PAUL LACHAIZE
Histoire d'un génie créatif français.




Ecrire aujourd'hui la biographie d'un homme ayant eu un parcours professionnel aussi riche n'est pas chose aisée. De l'aveu même d'un membre de la famille, il aurait été difficile de faire mieux que ce qui avait déjà été écrit dans "Prestige de la Photographie n°3" de décembre 1977. J'ai donc pris le parti de reproduire cet article dans son intégralité.



"Paul Lachaize naît à Lyon en 1914, l'année de la Grande Guerre. Très vite, il s'intéresse à tout ce qui bouge et qui vit: à 8 ans, il a déjà démonté tous les réveils de la maison. La révélation lui vient quand, à l'âge de 12 ans, on lui offre son premier appareil photo. C'est un détective 6x9 à plaques. L'année suivante, il entre comme apprenti chez un horloger. Par chance, l'homme répare non seulement les montres mais aussi les appareils photo. Paul Lachaize est enthousiasmé. Il n'a que 13 ans mais il sait déjà ce qu'il veut faire. Chez Mr Coindre (c'est le nom de son patron), il va ausculter, démonter et réparer des centaines d'appareils photo et de cinéma.
Parallèlement, il suit les cours du soir de l'Enseignement professionnel du Rhône. Ses matières préférées sont les mathématiques et la physique. A 16 ans, il décide de s'installer à son compte. Il convainc ses parents, loue un petit local et achète d'occasion un tour d'horloger.
"J'étais très confiant et sans peur aucune face aux responsabilités. A cette époque, il était très facile de monter un commerce. C'était le temps heureux où déclarations, taxes, patentes, etc. n'existaient pas. Les factures s'en ressentaient: je me souviens même d'avoir fait des réparations pour des factures d'un franc!"
Tout en continuant ses réparations, Paul Lachaize pense au cinéma. Il imagine une petite visionneuse 9.5mm au format Pathé-baby, alors très répandu. En 1936, il en prend le brevet. Il la baptise Ciné-poche et commence à en étudier le production. Un an plus tard, il démarre la fabrication de ses visionneusesdans de nouveaux locaux à Tassin-la-demi-lune, près de Lyon. Malheureusement Paul Lachaize n'est pas assez commerçant. Sa mécanique est sans reproche, mais il se désintéresse des questions administratives et commerciales. Comble de malchance, en rentrant chez lui sur son vélomoteur Monet et Goyon, il fait une chute et se casse la jambe. Sept mois d'hôpital stopperont son activité. Qaund il revient dans son atelier, il continue sa production de visionneuses qui atteindra juste le chiffre de 50 unités quand la guerre surviendra.
Paul Lachaize, réformé, se fait alors engager chez un horloger-réparateur d'appareils photo [1]. Il le quitte rapidement pour se mettre à son compte. Sa rencontre avec les journalistes de la presse parisienne repliés à Lyon est un tournant de sa vie. Ces reporters sont là avec leur matériel. Ils veulent faire synchroniser leurs appareils. A cette époque en effet, les lampes au Magnésium ne sont pas toutes identiques. Leurs caractéristiques changent en fonction de leur provenance: lampes américaines importées en fraude via l'Afrique du Nord, lampes allemandes "OSRAM" volées aux allemands, etc. Le problème majeur à résoudre est leur temps de mise à feu très différent d'une fabrication à l'autre.


Un flash magnésique

En 1942, Paul Lachaize prend un brevet pour un flash magnésique qui accepte toutes les lampes (un tableau de réglage se trouve sur le côté du boîtier). Il synchronise son flash sur des Rollei 6x6 mais aussi sur un certain nombre de "Spido" Gaumont 9x12 de reportage, avec obturateur Compur sur l'objectif.
Ce flash est repliable et contient deux petites piles 4.5volts. Il possède une astuce: replié, le courant se coupe automatiquement.
Malheureusement, les piles sont une denrée rare pendant l'occupation. Paul Lachaize arrive à en faire fabriquer un certain nombre dans une petite usine de Paladru. Pendant cette période et jusqu'en 1958, il synchronisera des milliers d'appareils [2]. Les contacts pris avec les journalistes ont été fructueux. De retour à Paris, ils continuent à acheter et à faire connaître le flash de Paul Lachaize. Il fournira entre autres Paul Renaudon de Paris-Soir, Jousse de Marie-Claire, Jarnoux de France-Presse-Voir et Tabard.
Le travail d'adaptation de ce flash n'est pas simple: l'obturateur central doit être complètement démonté et la plupart du temps nettoyé et révisé. Il faut de plus raccourcir la course de l'armement, changer certaines pièces contre d'autres en acier trempé (plus dur), placer un électro-aimant à palette pour assurer au déclenchement, d'abord le contact de la lampe, et, après temporisation, l'ouverture de l'obturateur.
Puis, vers la fin des années 1940, les flash électroniques arrivent sur le marché et des maisons comme Rollei produisent en série des appareils munis du synchronisme X.[3]

En 1952, Paul Lachaize invente un énorme magasin pour Rollei. Il transforme instantanément n'importe quel Rollei en appareil de reportage avec une capacité de 150 vues 6x6, bien supérieure à celle du 24x36 classique, tout en conservant la possibilité de recevoir la bobine 120 standard. Il est le seul à tranformer le célèbre 6x6 à faible autonomie (12 vues) en un réservoir quasiment inépuisable pour les reportages. Il répond à la demande de certains professionnels. 150 vues 6x6 sont maintenant possibles avec l'accessoire de Paul Lachaize. Les fabricants de surfaces sensibles ne croient pas en ce projet et refusent la fabrication de tels films. Les photographes achètent alors leurs films en "galette" de 30m et les découpent en tranches de 10m. Une amorce est collée au début et en fin de film pour éviter le voile. (Certains photographes chargeront directement leur Rollei-Mag en chambre noire, sans amorce.)
Il est certain que les opérateurs munis du Mag avaient un grand avantage sur leurs concurrents qui ne pouvaient prendre que 12 vues. En outre, si un développement était nécessaire après une ou deux vues seulement, le film pouvait être coupé en chambre noire.
Paul Lachaize établit son Mag en trois versions: pour Rolleiflex et Rolleicord et Semflex. Il en construira près de 800 entre 1952 et 1956.
C'est en poursuivant cette idée d'appareil performant que Paul Lachaize crée le "608" de reportage, destiné aux professionnels. C'est un appareil Multiformats (6x8, 6x6, 4.5x6, 24x36). L'appareil est rigide, sans soufflet, possède la bascule et le décentrement. L'avancement du film s'effectue par gâchette et est couplé automatiquement avec l'armement de l'obturateur. La poignée est réversible pour vues en largeur ou en hauteur.
Vingt exemplaires furent construits (dont deux pour EDF, destinés aux prises de vues aériennes en hélicoptère pour la surveillance de ses lignes, équipés d'un objectif Angénieux 75mm couvrant le format 4.5x6).
Venu bien avant la création par Linhof du format "Idéal" 56x72mm (en effet, le classique format 6x9 s'agrandit très mal en 18x24 qu'il coupe dans sa hauteur), le 6x8 est homothétique de 18x24 dans la proportion de 1 à 3 environ; la largeur maximum de 6cm de la pellicule est pratiquement réduite de 4mm pour assurer la tenue du film sur les bords de la fenêtre porte-cliché.
Le cliché, légèrement plus court que le 6x9, permet d'en obtenir un nombre supérieur et aussi de diminuer la focale de l'objectif normal qui est ramené à 90mm au lieu de 105mm.



Le Mécilux

Ces appareils sont diffusés par un ami de Paul Lachaize, Mr Berlier. C'est en compagnie de ce dernier que Paul Lachaize se lancera dans une nouvelle aventure photographique, celle du Mécilux.
Depuis 1954, Paul Lachaize voulait créer un appareil de petit format (24x36) d'initiation à la photographie. Un appareil d'amateur, complet, simple et de faible dimension. Pendant deux ans il y pensa puis, deux années furent consacrées à lélaboration des plans et à la fabrication des outillages et prototypes. Vint ensuite le moment de la production. Il sortira 2000 Mécilux de l'usine de Villeubanne dont l'incendie arrêtera prématurément la production.[4] Ces appareils seront vendus sur le France exclusivement par Central-Photo au prix de 285F.
En 1961, Lachaize arrête ses fabrications et, pendant 12 ans, il entreprend des études d'appareils photographiques pour un fabricant de grande vulgarisation.[5] Ces appareils sortiront par millios d'exemplaires pour la plus grande joie des photographes débutants. Lachaize fait des prototypes en les étudiant de A à Z: obturateur, optique, et même pour certains appareils, système de mesure de pose, etc. Puis il établit les liasses de dessin, prépare les outillages, prévoit les chaînes de montage et contrôle les fabrications de chaque modèle pendant les 6 premiers mois de sortie.
En 1973, il quitte, provisoirement nous espérons, l'industrie photographique pour la fabrication de machines à meuler les verres d'opticiens. Quisait, peut être Paul Lachaize reviendra-t-il un jour à ses premières amours: l'étude d'appareils modernes, aux caractéristiques inédites, et bourrés d'astuces?"


Dominique Pascal




Voici donc exposée de son vivant, sa carrière dans le monde de la photographie. On peut aujourd'hui ajouter quelques précisions mais l'essentiel est dit.

[1] L'horloger-réparateur est Mr Charvet (où il à commencé l'apprentissage de la micro mécanique) chez qui il travaille comme salarié du du 31 mai 1938 au 19 août 1941.

[2] Paul Lachaize aura le statut d'artisan de 1942 au 31 octobre 1958 et conjointement, de salarié, chez Microfilm Service à Paris (3 rue de la Boete 8ème) de 1955 au 31 octobre 1958.

[3] Le Rolleiflex Automat X-synch. sort en 1949.

[4] Paul Lachaize est salarié chez Mécimap à Villeurbanne 71 rue H.Kahn du 2 novembre 1958 au 31 octobre 1961. La production de 2000 Mécilux, semble avec le recul, un peu surévaluée (voir les relevés de numéros en page consacrée à cet appareil).

[5] C'est la société Indo 19 rue Y.Farges Lyon 7ème qui emploie Paul Lachaize du 2 novembre 1961 au 31 decembre 1973




© Tous droits réservés 2007 Gilles Delahaye